Invisible Boys : des ados gays australiens dans une série touchante et émouvante

Je ne sais pas vraiment par où commencer pour parler de Invisible Boys, tant cette série australienne m’a bousculé, touché, et finalement ému bien plus profondément que je ne l’aurais imaginé. Evidemment, en tant qu’homme gay, j’ai eu l’impression, en regardant cette série, de me voir représenté – pas seulement dans ma sexualité, mais dans mes contradictions, mes silences, mes espoirs et mes douleurs lorsque j’étais adolescent.

Il y a quelque chose dans l’image de cette série, dans les paysages arides et solaires d’Australie, qui m’a fait voyager. Et pour cause, loin des paysages français et européens ou bien même des séries américaines. Le cadre n’est pas anodin : on est à Geraldton, une ville de l’ouest australien. Pas exactement le décor typique des séries LGBTQ+ qu’on consomme habituellement. Et c’est ce qui fait, selon moi, toute la force de ce projet.

Aydan Calafiore, Joseph Zada, Joe Klocek and Zach Blampied from Invisible Boys

La série est tirée du roman autobiographique de Holden Sheppard, et je ne le savais pas du tout avant d’écrire cette critique. Ce n’est pas seulement une histoire “inspirée” de faits réels, c’est un cri du cœur, une mise à nu, un combat intime que l’auteur partage avec nous.

L’histoire suit trois adolescents queer, Zeke, Charlie et Hammer, tous très différents dans leur manière d’être, de survivre et d’aimer – mais unis par cette même douleur sourde d’être invisibles. Invisibles aux yeux de leurs familles, de leurs camarades, de la société, mais aussi parfois d’eux-mêmes.

Zeke est sans doute celui dans lequel je me suis le plus retrouvé. C’est un garçon sensible, lucide, rongé par le besoin d’être lui-même sans savoir comment s’y prendre. Il observe le monde avec intensité, avec une forme d’intelligence émotionnelle que beaucoup d’adultes pourraient lui envier. Sa solitude m’a rappelé la mienne. Ce sentiment d’être en permanence en décalage, même entouré. Son côté geek et le fait d’être moqué parce qu’il n’est pas dans un certain critère de minceur, la aussi j’ai pu me reconnaître.

Charlie, quant à lui, est flamboyant. Il revendique une part de lui-même que les autres voudraient voir disparaître. Il est ce garçon “trop” – trop queer, trop expressif, trop “visible” justement. Il m’a touché parce qu’il incarne une forme de courage que j’ai du prendre à son âge. Ce besoin d’exister pleinement, même si cela signifie s’attirer des ennuis. Même si cela signifie être blessé.

Et puis il y a Hammer. Son parcours est peut-être le plus complexe, le plus tragique. C’est le sportif, le mec “normal”, celui qu’on admire, celui qu’on ne soupçonnerait jamais. Et pourtant, sous la surface, tout brûle. Il lutte contre ses désirs, contre sa peur, contre cette injonction viriliste à être “un vrai mec”. Hammer est l’exemple parfait de ce que la société peut faire subir à ceux qu’elle refuse de voir tels qu’ils sont vraiment. Et son évolution m’a brisé le cœur à plusieurs reprises.

Et évidemment on oublie pas Matt, alias Sexy Matt. Le plus discret, le moins développé. Il n’est pas au lycée, et pour cause, il est plus vieux et va devenir le petit copain de Charlie.

Ce que j’ai admiré dans Invisible Boys, c’est son audace. La série n’essaie jamais d’être lisse. Elle ne cherche pas à rassurer. Elle montre la violence : celle des mots, celle des regards, celle de l’indifférence. Elle montre aussi les petits gestes de résistance : une main qui frôle une autre, un regard qui s’attarde, un silence chargé de sens. Elle nous confronte à la réalité de l’homophobie, mais elle ne s’y complaît pas. Elle montre, aussi, la force de la solidarité, des amitiés inattendues, des élans de tendresse qui sauvent.

Les épisodes ne vous laisserons pas indifférents. Une dispute dans une salle de bain, un coming out inattendu, une crise d’angoisse qui surgit sans prévenir. Tout sonne juste. Rien ne semble artificiel ou surjoué. Même les scènes les plus dures sont filmées avec une jolie délicatesse. Et cette justesse, je pense qu’on la doit autant à l’écriture qu’à l’interprétation.

Il faut parler du casting, évidemment. Les trois acteurs principaux sont tout simplement exceptionnels. Ils ne jouent pas leurs personnages : ils les incarnent. Il y a une sincérité dans leurs regards, une intensité dans leurs silences, qui rend l’expérience encore plus belle. J’ai ressenti leur douleur, leur honte, leur rage, comme si c’étaient les miennes. Et je ne dis pas ça souvent.

L’alchimie entre eux est également palpable. On sent que ce sont des ados qui pourraient vraiment exister, traîner ensemble, se juger, s’aimer, se déchirer. Aucun n’est parfait, et c’est ce qui les rend profondément humains.

La réalisation est sobre mais pas en reste. Pas d’effets inutiles, pas de tape-à-l’œil. La caméra reste proche, intime, comme si elle nous disait : “regarde-les, écoute-les, ressens ce qu’ils ressentent”. Le montage est fluide, les transitions sont souvent élégantes, et la bande-son se fond parfaitement dans le décor.

Le travail sur la lumière est également remarquable. Il y a ce contraste constant entre l’éclat solaire de l’Australie, presque écrasant, et l’obscurité intérieure des personnages. C’est symbolique, mais jamais appuyé. Une belle manière de montrer que la beauté d’un paysage ne suffit pas à effacer la détresse qu’on peut porter en soi.

Je crois que Invisible Boys est une série indispensable. Pour les jeunes qui se cherchent, qui n’osent pas encore. Pour ceux qui ont grandi dans des endroits où “être différent” est encore un risque. Pour ceux qui pensent qu’ils sont seuls. Et pour tous les autres, aussi – parce que comprendre, c’est déjà changer les choses.

J’aurais voulu voir cette série quand j’avais 15 ans. J’aurais voulu me sentir moins seul, moins “anormal”. Mais je suis heureux qu’elle existe aujourd’hui. Pour la génération qui vient. Pour les garçons invisibles qui, peut-être, grâce à elle, oseront un jour se rendre visibles.

La série ne clôt pas tout. Elle laisse des portes entrouvertes, des chemins à peine tracés. Et c’est parfait ainsi. Parce que la vie n’est jamais totalement résolue. Parce qu’il y aura toujours des doutes, des choix à faire, des luttes à mener. Mais elle offre aussi de l’espoir. Elle dit : “Tu n’es pas seul.” Elle dit : “Tu peux t’en sortir.” Elle dit, tout simplement : “Tu existes.”

Et ça, ça vaut plus que mille discours. Et l’on espère une saison 2 !

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