Hier soir, j’ai enfin regardé l’originale : Øyevitne, la version norvégienne de Eyewitness. Ce visionnage tardif m’a poussé à réexaminer les trois adaptations de cette histoire fascinante : la norvégienne (Øyevitne), l’américaine (Eyewitness), et la française (Les Innocents). Trois versions qui racontent la même trame centrale — deux adolescents qui deviennent témoins d’un crime atroce et doivent gérer leur traumatisme tout en protégeant leur secret — mais avec des différences notables dans leur traitement, notamment en ce qui concerne l’histoire d’amour entre les deux protagonistes.
L’originale norvégienne : Élégance et tension à la scandinave
Diffusée en 2014, Øyevitne est une série en six épisodes qui incarne tout ce qu’on aime dans les productions scandinaves : une atmosphère glacée, une tension palpable, et un réalisme brut. L’histoire se concentre sur Henning et Philip, deux adolescents qui se retrouvent par hasard au mauvais endroit au mauvais moment. Leur témoignage d’un meurtre les lie indéfectiblement alors même qu’ils explorent une relation sentimentale naissante.
Ce qui frappe dans cette version, c’est la sobriété et l’intensité de l’écriture. La relation entre Henning et Philip est traitée avec une subtilité rare, s’intégrant parfaitement à la narration sans jamais paraître forcée. Leur amour, encore fragile et à peine exprimé, semble toujours en équilibre précaire face aux événements qui les submergent. J’ai été particulièrement marqué par la justesse des acteurs, notamment Axel Bøyum (Henning) et Odin Waage (Philip), qui parviennent à transmettre une gamme émotionnelle impressionnante avec peu de dialogues.
Cependant, ce minimalisme est aussi ce qui peut frustrer. Si la tension dramatique est indéniable, la romance entre les deux adolescents reste davantage implicite, ce qui peut laisser le spectateur sur sa faim si c’est cet aspect qui l’intéresse avant tout.
La version américaine : Un traitement plus glamour et centré sur la romance
En 2016, Eyewitness est adaptée pour le public américain, avec un ton et un style très différents. Cette version, diffusée sur USA Network, étire l’intrigue sur dix épisodes, prenant ainsi le temps de développer chaque arc narratif. Ici, Lukas et Philip prennent le devant de la scène, et leur relation est beaucoup plus mise en avant que dans l’originale.
Julian Walker (Philip) et Tyler Young (Lukas) créent une alchimie électrique qui est indéniablement le point fort de cette adaptation. L’amérique aime ses drames intensément émotionnels, et cette version ne déroge pas à la règle. L’arc narratif de Lukas, en particulier, offre une exploration plus approfondie de l’acceptation de soi et du coming out. La tension autour de sa peur d’être découvert, combinée à la complexité de ses sentiments pour Philip, apporte une profondeur à leur histoire d’amour que la version norvégienne n’avait pas le temps d’explorer.
Cela dit, le choix de glamouriser certains aspects du scénario, notamment en accentuant le suspense et les rebondissements, peut parfois sembler artificiel. La relation entre les deux adolescents reste sincère, mais elle est enrobée d’une couche de mélodrame typiquement hollywoodien qui peut plaire ou agacer selon les goûts.
La version française : Une interprétation locale, avec un focus sur les personnages
Enfin, en 2018, Les Innocents transpose l’histoire en France. Cette version m’est particulièrement chère, notamment parce que c’est grâce à elle que j’ai découvert Victor Meutelet, qui interprète Yann Desgrange avec un charisme et une intensité renversants. (Oui, j’en suis fou, et je ne m’en cache pas…).
La version française adapte l’intrigue à un contexte local tout en préservant les éléments essentiels de l’histoire. Yann et Lucas (joué par Jules Houplain) offrent une dynamique unique qui, à mon avis, mérite une mention spéciale. L’écriture de leur relation est sans doute la plus aboutie des trois versions. Ici, la romance n’est pas seulement un élément secondaire ou un ressort dramatique : elle est au cœur du récit. On ressent une profondeur émotionnelle et une vérité qui rendent leur histoire incroyablement touchante.
Le traitement des thèmes LGBTQ dans Les Innocents est également plus ancré dans la réalité culturelle française, avec un regard subtil sur les dynamiques familiales et sociales. Victor Meutelet, en particulier, apporte une vulnérabilité à son personnage qui m’a laissé sans voix. J’ai adoré son interprétation nuancée, qui reste l’une de mes préférées toutes adaptations confondues.
Quelle version préférer ?
Chacune de ces adaptations a ses forces et ses faiblesses. Si vous cherchez une intrigue sobre et tendue, la version norvégienne est incontestablement celle qu’il vous faut. Si vous voulez une histoire d’amour vibrante et un traitement plus poussé des personnages, la version américaine est un excellent choix. Enfin, si vous préférez une interprétation authentique et une alchimie saisissante entre les protagonistes, Les Innocents est probablement la meilleure option.
Personnellement, bien que j’aie beaucoup apprécié les trois versions, Les Innocents occupe une place particulière dans mon cœur, et ce n’est pas seulement à cause de Victor Meutelet (quoique…).
Quoi qu’il en soit, ces trois adaptations montrent que, peu importe le contexte culturel, l’amour et la peur peuvent créer des histoires universelles qui résonnent avec tous. Alors, laquelle allez-vous regarder en premier ?