Après un premier volet à Boston perfectible et un 2ème opus à San Francisco qui m’avait totalement conquis, la licence Watch Dogs quitte les États-Unis d’Amérique et pose ses hackeurs à Londres avec un 3ème jeu (qui perd son numéro, comme les Assassin’s Creed) sous-titré “Legion“.
Pas moins de six studios Ubisoft ont œuvré sur Legion, qui fait le pari, assez osé, de transformer chaque PNJ en potentiel personnage jouable. Marketé en grande pompe pendant une bonne partie de la promotion du jeu, j’avoue que j’étais assez sceptique à l’idée de poser mes mains sur un jeu sans véritable héros… Toutefois, sans être totalement convaincu, je confesse avoir passé un agréable moment en me promenant dans ce Londres dystopique, pour diverses raisons que je vais m’empresser de lister ci-dessous.
Watch Dogs Legion se déroule dans un cadre futuriste qui ne semble pas si éloigné du nôtre, vu que la 6G existe et n’est pas encore à portée de main de tous les londoniens. L’IoT règne en maître et les drones sillonnent les avenues, rues et autres allées d’un Londres reconstitué avec une précision maladive, une habitude chez Ubisoft, qui réussi encore son coup et donne vie à la capitale anglaise avec maestria. Déjà très perceptible quand on visite la ville à notre époque, Londres garde son charme ancien tout en regardant vers l’avenir et mélange avec un charme déconcertant la pierre vieillissante et les néons fluos… à l’appréciation de chacun bien entendu, mais la vision d’Ubisoft m’a personnellement beaucoup plu.
Les néons fluo paraissent pourtant totalement hors-propos, surtout quand on connait le contexte du jeu. Ce dernier s’ouvre en effet avec la plus grande attaque terroriste que le pays ait connu, qu’un agent de Dedsec tente d’empêcher, sans grand succès, puisque plusieurs bombes vont exploser de part et d’autre dans la ville. L’attaque est orchestrée par le groupuscule Zero-Day… qui fera porter le chapeau au collectif de hackeurs Dedsec, ce qui va réduire leur popularité à néant. Les objectifs sont donc pluriels : redorer l’image du groupe, trouver qui est à l’origine de l’attaque, éviter que la milice privée Albion n’entrave trop la liberté des londoniens ou encore limiter l’influence d’une mafia… autant d’objectifs qui seront répartis sur 5 gros chapitres et une pluralité de missions plus ou moins variées.
Vous l’aurez compris, en terme d’ambiance, le jeu se veut bien plus sombre que ne pouvait l’être Watch Dogs 2. Les thèmes abordés ne sont pas simples : terrorisme, esclavagisme, invasion de la vie privée ou autre trafic d’organes sont présents dans Legion… des thématiques graves et diablement intéressantes de prime abord, mais traitées avec une légèreté curieuse – parfois presque malvenue – qui provoquera la stupéfaction chez bon nombre de joueurs. L’idée de ne pas faire de politique dans un jeu vidéo est un point de vue défendable à bien des égards, mais quand on en vient à ce genre de sujet, il est difficile de botter en touche tout en restant crédible, WDL rate ici le coche et se retrouve engoncé dans une aventure prévisible et sans réel éclat, qui se laisse certes suivre, mais provoquera plusieurs fois haussement de sourcils et/ou facepalm tant certains dialogues sont risibles. WD2 pouvait déjà faire tiquer certaines personnes… Legion aura fini de les achever, et ne comptez pas sur le doublage français pour relever le tout. Je salue volontiers l’effort fait sur ce dernier, doubler chaque personnage a du être un travail colossal, mais cette dernière perd les subtilités de la VO (les accents, certaines tonalités…) et accentue la pauvreté d’écriture pour beaucoup de personnages doublés. Curieusement, le seul personnage s’en tirant avec les honneurs est Bagley, le robot qui accompagnera nos avatars et commentera nos nombreuses actions, souvent en tapant juste et avec le ton sarcastique parfaitement adapté.
Pour autant, malgré mes critiques assez acerbes sur les qualités scénaristiques du jeu, j’ai réussi à m’amuser en jouant à Legion. La raison est aussi bête que simple : Watch Dogs est assez unique dans sa catégorie. Les jeux en monde ouvert sont certes monnaie courante, mais rares sont les jeux où l’on peut hacker les gens, interagir aisément avec le décor, prendre le contrôle de drones ou varier nos approches en optant soit pour l’aspect bourrin, soit pour la discrétion absolue, voir même progresser sans mettre un pied dans une bâtisse en incarnant un arachnobot.
Ubisoft s’est affairé à proposer des environnements assez riches qui permettent, la majeure partie du temps, de choisir l’approche de notre choix. Le level-design est riche, et ne décevra que rarement, et la panel d’améliorations et gadgets permettra d’axer notre orientation en débloquant des armes, drones et autres joyeusetés, voir même de pirater des drones d’Albion pour en prendre le contrôle ou faire en sorte qu’il se retourne contre la milice, et c’est assez jouissif ! Ubi a d’ailleurs bien compris l’attrait des joueurs pour les robots, vu que plusieurs missions seront entièrement à faire avec ces derniers… Pas vraiment une nouveauté vu que c’était déjà présent dans le 2, mais l’araignée bot remplace avantageusement le Jumper, c’est fluide et fun, que demandez de plus ? Les drones volants seront eux plus ou moins massifs en fonction de leur fonction primaire, mais répondront également au doigt et à l’œil.
En ce qui concerne les gunfights, ils restent bons, sans pour autant égaler ceux d’un GTA. Là où le jeu s’en tire bien en revanche, c’est sur le combat à mains nues. Relativement basique dans les volets précédents, le jeu s’enrichit ici en proposant Attaque/Contre/Percée/Esquive. Rien de fou en soit, mais un soin tout particulier a été accordé aux animations, par ailleurs très nombreuses, à tel point que des ligues de combats sont présentes ça et là dans la ville pour que l’on puisse se défouler et être récompensé pour ça. En dehors de ces zones, j’ai noté une curieuse tendance de nos ennemis à utiliser les poings plutôt que leur arsenal le temps que l’on ne sort pas notre arme à feu (ou arme incapacitante)… Un choix qu’on peut partiellement expliqué pour un ennemi isolé dans la rue, mais bien moins logique quand 10 ennemis tentent de nous abattre parce qu’on pénètre illégalement dans le Buckingam Palace. Plus globalement, l’IA n’est pas des plus malignes. Sans être la pire rencontrée dans un jeu Ubi, elle a tendance à oublier notre présence assez vite dès qu’on se rend invisible grâce à un gadget de camouflage.
En sus des missions scénarisées, vous aurez la possibilité d’explorer la ville et récolter des points de techs (nécessaires pour améliorer/débloquer des gadgets et autres bonus) disséminés ça et là dans la ville. L’éditeur breton semble enfin apprendre de ses erreurs, et même si la carte reste assez chargée en informations, elle demeure bien plus lisible que les jeux d’il y a encore quelques années. La ville est divisée en “Boroughs” (les arrondissements londonien) qui seront tous sous occupation ennemie par défaut. En accomplissant de brèves missions secondaires, la popularité de Dedsec augmentera, jusqu’à lancer une mission de plus grande envergure qui libérera le quartier et le passera en “Révolté”. Chaque quartier révolté permettra de rallier un agent “expert” à notre cause.
On attaque donc la partie tant attendu : les agents, bonne ou mauvaise idée ? Je vais vous faire une réponse de normand, en répondant “un peu des deux”. Très clairement, je ne souhaite pas voir ce genre de pratique se généraliser. Le fait de ne pas avoir de héros défini casse selon moi l’immersion et l’affinité que l’on peut avoir avec nos personnages. En optant pour ce système, on perd toute la profondeur qu’ont beaucoup de personnages de jeux vidéos.
Savoir que le personnage que j’incarne s’appelle Jack, a un mari qui se nomme Pierre, possède une voiture et aime les sushis, c’est cool… mais ça ne suffit pas pour donner une âme à l’avatar en question. On va donc se contenter de critères au départ assez bateau pour recruter nos persos : “lui est plutôt beau”, “elle a une voiture de sport”, “il ramène du fric grâce au pari” … puis après quelques heures, on se retrouvera à jouer des agents pour ce qu’ils apportent, et non pour ce qu’ils sont. Robert qui est agent secret et possède 4 talents surpuissants sera un choix plus réfléchi que notre Pierre avec sa pauvre Mini qui roule encore à l’essence. Sans forcément s’en rendre compte, on finira par jouer avec 3/4 agents fournis par Ubisoft en libérant les boroughs, et on perdra ce côté “joue qui tu veux” au profit de “joue avec le plus fort”.
Bien entendu, rien ne vous force à incarner des agents experts, mais quand vous verrez vos avatars finir à la morgue parce qu’ils n’auront pas le talent “Dur à cuire”, vous risquez de faire la moue. Car oui, c’est aussi une des raisons qui me pousse à défendre ce système assez marginal : quand le mode “Mort permanente” est actif, que vous avez joué le même personnage 4-5 heures, et qu’il meurt durant une mission, ça fait quand même un pincement au cœur. Il est rare que la mort ait de l’importance dans un jeu, et l’idée de pouvoir perdre son avatar définitivement est suffisamment unique pour que l’on salue l’initiative… même si votre assistant Bagley verra ça d’un autre œil, en sortant l’une de ses nombreuses répliques cinglantes.
Sans transition aucune, attaquons la partie technique de WDL, qui navigue en eaux parfois très troubles, malgré des reflets on ne peut plus soyeux. J’ai débuté l’aventure sur la Xbox One X, avant de switcher sur la Xbox Series X après une douzaine d’heure de jeu (le temps de récupérer la console).
Sur XOX, le titre est resté fluide tout du long, et s’est avéré assez agréable à l’œil. Cela manquait d’un poil de finesse, et point de Ray Tracing ici, ce qui n’était pas franchement un soucis. On notera également des temps de chargement assez longs entre les missions et lors des voyages rapides. Là où j’ai été gêné, c’est quand, sans raison valable, le jeu a planté à de nombreuses reprises, 1 fois sur les 10 premières heures, puis 3 fois en 2 heures de jeu après le déploiement d’un patch. On notera aussi pêle-mêle des bugs plus rigolos que problématiques, qui suivent Ubisoft depuis une décennie maintenant : bateau a moitié dans l’eau sur lequel on ne peut pas monter, PNJs qui courent dans le décor, bugs de scripts, lampadaires qui flottent à 2 mètres au-dessus du sol…
La version Xbox Series X est, fort logiquement, bien plus fine, en plus de viser une résolution 4K native, mais est limitée à 30 images par seconde, la faute au fameux Ray-Tracing. Point de choix ici, Ubisoft a opté pour ce rendu, et force est de constater qu’il sied plutôt bien à ce 3ème épisode de Watch Dogs. Le Ray Tracing va jouer notamment sur les reflets, et sans être un “effet Waouh”, c’est un ajout très appréciable qui amène le réalisme à un autre niveau. Gros bémol toutefois sur l’utilisation outrancière de cette technologie. Voir mon reflet sur une voiture ou une devanture de magasin ne me déplaît aucunement, et je sais que Londres est connue pour avoir une pluviométrie assez élevée, mais entre les rues complétement sous la flotte, les flaques d’eau stagnantes sur des pentes à 10/15° qui font de la Capitale un miroir à ciel ouvert, c’est un peu exagéré, et ça impacte forcément la crédibilité du titre.
En dehors de cela, les mêmes bugs rigolos sont présents, mais plus aucun crash à signaler… par contre, un nouveau soucis gênant est apparu : la perte de progression. Par 3 fois j’ai perdu plus d’une heure de progression. Par habitude, je coupe mes jeux après chaque utilisation, et voir que je perds mon avancée à chaque lancement de jeu, ça me met un peu en rogne, surtout quand je termine le jeu, débloque le succès de fin, et me retrouve le lendemain à devoir rejouer les 3 dernières missions du jeu parce que la sauvegarde ne s’est pas faite…(Ubi a toutefois communiqué sur ce soucis et investigue à l’heure où j’écris ces lignes).
J’ai le sentiment d’avoir été assez méchant avec Watch Dogs : Legion. Pourtant, je vous assure que j’ai apprécié l’aventure, et je reviendrai volontiers y jouer pour tester le mode En Ligne et lors de l’arrivée des missions liées au Season Pass. Le jeu est loin d’être exempt de défauts, et les quelques 2000 mots présents ci-dessus étayent mon appréciation. Je retiens de ce WDL un gameplay toujours aussi unique et propre à la licence, appuyé par une Capitale sublime, un level-design maîtrisé et des drones toujours aussi cool à utiliser. Toutefois, je vous invite à patienter quelques semaines/mois avant de craquer. Comme à l’accoutumée avec Ubisoft, les patchs “Quality of Life” arrivent trop tard. N’attendez pas non plus de Legion un scénario profond, la faute à une écriture immature et des thématiques abordées mais jamais approfondies.
Les + :
- Londres, magnifique à explorer, et à l’ambiance folle
- Un scénario assez sombre…
- Le hacking, les drones… des éléments de gameplay unique à Watch Dogs
- Un level design très propre, permettant de nombreuses approches
- Propre graphiquement sur Xbox One X, et fluide… améliorations graphiques appréciables sur Series X
- Quelques personnages à qui on s’attache malgré tout
Les – :
- Que de bugs… et plusieurs plantages du jeu, qui empire après chaque patch.
- … mais prévisible, et pourri par des dialogues indignes
- Une VF qui souffle le chaud comme le froid
- Une I.A. Ubisoft assez débile
- Malgré l’attache pour certains personnages (avec Mort Permanente), ces derniers manquent de profondeur…
Testé sur Xbox One X puis Series X via Smart Delivery, via une copie procurée par mes soins.