Netflix signe avec Boots une série audacieuse mêlant entraînement militaire, tension homoérotique et drame intime. Sortie le 9 octobre 2025, elle raconte l’histoire d’un jeune homme gay qui s’engage dans les Marines américains en 1990, alors que l’homosexualité y est encore interdite. Une série qui m’a surpris, touché, et qui mérite que l’on s’y attarde.
La série a été saluée dès sa sortie pour sa proposition atypique : montrer une histoire queer au cœur d’un univers militaire — un espace historiquement hostile à l’homosexualité — avec nuance, intensité et humanité.

L’action se déroule aux États-Unis en 1990, avant la mise en place de la politique “Don’t Ask, Don’t Tell”. Cameron Cope (Miles Heizer), adolescent gay malmené à l’école, décide de s’engager dans les Marines avec son meilleur ami Ray. Il fuit un quotidien douloureux pour se réinventer — mais il entre dans un monde où son identité doit être tue sous peine d’expulsion immédiate.
Le spectateur suit les recrues pendant leur camp d’entraînement, entre épreuves physiques brutales, brimades psychologiques et camaraderie masculine. Cameron apprend à survivre en silence, tout en forgeant des liens forts — notamment avec Ray, son meilleur ami avec qu’il s’est engagé, mais aussi avec le Sergent Sullivan, figure autoritaire mystérieuse qui cache lui aussi un passé douloureux.
La série alterne entre moments de tension extrême et instants d’intimité. Les flashbacks de Sullivan dévoilent une histoire tragique qui fait écho à celle de Cameron. Tandis que les personnages qui gravitent autour ne sont pas en restes. Je ne pensais pas m’attacher à toute cette galerie aussi vite et aussi facilement. Car soyons honnêtes, des nouvelles séries, on en a à la pelle (toutes plateformes confondues), et il n’est pas rare que je m’arrête en général au milieu du premier épisode. Ce n’était pas le cas ici.

Mais offrons un peu de contexte historique. Avant 1993, l’homosexualité était strictement interdite dans l’armée américaine. Être découvert signifiait la mise à pied, la honte publique, parfois des poursuites. En 1993, la politique “Don’t Ask, Don’t Tell” est instaurée : l’armée ne pose pas de questions, mais les militaires n’ont pas le droit d’être ouvertement homosexuels. Une hypocrisie institutionnelle qui a perduré jusqu’à son abrogation en 2011.
Depuis, les personnes LGBTQ+ peuvent servir ouvertement, mais la culture militaire reste marquée par des stigmas et une masculinité rigide. Placer Boots en 1990 n’est pas anodin : c’est rappeler cette période où l’existence queer dans l’armée était synonyme de peur, secret et double vie.

La série n’est pas une simple “série militaire queer”. Elle explore des thèmes profonds, souvent rarement traités ensemble. L’identité contre l’institution. En cela, Cameron ne cesse jamais d’être gay. Il doit juste le cacher pour survivre. On peut aussi parler de la fraternité, les liens entre les recrues devenant forts et intimes. Il y a le poids de la honte, par le personnage de Sullivan qui incarne les conséquences de son identité enfouie trop longtemps. Mais également la masculinité, et le désir, avec cette tension homoérotique (notamment dans les scènes de douches).
Je vais être honnête : une série militaire, ce n’est pas mon genre. L’univers très viriliste, les codes rigides, la hiérarchie… tout cela a longtemps été synonyme pour moi de masculinité toxique. Mais en apprenant qu’il s’agissait de l’histoire d’un jeune homme gay dans les Marines des années 90 — et en voyant que Miles Heizer (que j’ai adoré dans 13 Reasons Why) jouait le rôle principal — je me suis lancé.
Et je ne le regrette pas.

Notamment grâce au personnage très attachant de Cameron qui est réservé, inquiet, souvent en retrait… mais profondément humain. Son interprète lui apporte une vulnérabilité naturelle. Son évolution est progressive, crédible, ponctuée de doutes et de moments suspendus. On le voit s’affirmer progressivement, devenir un vrai soldat, s’affirmer et prendre confiance en lui.
Il y a Ray aussi, qui n’est pas le cliché du meilleur pote hétéro. Leur relation est ambivalente : loyauté, attentes, frustration parfois. C’est une amitié intense, sincère, qu’on aimerait voir plus souvent représentée à la télévision.

Mais mon gros coup de cœur est pour Sullivan (Max Parker). Un personnage brisé, tiraillé entre son rôle de sergent et son identité refoulée. Ses flashbacks donnent une dimension tragique bouleversante : il représente tout ce que Cameron pourrait devenir s’il se tait trop longtemps. (Et soyons honnête, le personnage n’est pas désagréable à regarder). On sent qu’il pourrait avoir du soutien avec le Capitaine de la base (qui s’avère être la première femme à occuper ce poste), mais la culpabilité est trop forte pour lui.
Au-delà de Cameron, Ray et Sullivan, la série brille aussi par sa galerie de personnages secondaires, chacun apportant une nuance à cet univers militaire codifié. Il y a McKinnon, le sergent strict mais paradoxalement plus humain qu’il n’y paraît, qui incarne la complexité de la hiérarchie face aux jeunes recrues. Nash et Dom, deux camarades de peloton, représentent ces figures masculines typiques de l’armée — bruyantes, viriles, souvent dans la provocation — mais dont les masques se fissurent au fil des épisodes, laissant entrevoir vulnérabilités et histoires personnelles inattendues.
Le capitaine Fajardo, seule femme en position d’autorité dans ce monde très masculin, apporte une présence forte et juste, oscillant entre dureté militaire et compréhension instinctive des dynamiques humaines. Ces personnages ne sont jamais de simples figurants : chacun joue un rôle dans l’évolution de Cameron, en l’aidant à se construire par contraste, complicité ou confrontation. C’est aussi grâce à eux que la série parvient à créer un univers riche, vivant, crédible.

Ce que j’ai trouvé “dingue”, c’est la manière dont Boots parvient à injecter une intensité homoérotique dans un univers qui se veut homophobe. Chaque regard devient chargé, chaque contact physique furtif prend une dimension émotionnelle immense. La série joue avec le non-dit, la tension, le sous-texte… et c’est terriblement efficace.
Je ne suis pas sûr que Boots trouvera le public qu’elle mérite. Le mélange “armée + homosexualité cachée” n’est pas un pitch évident. Le public queer pourrait la trouver trop dure, trop virile — loin de la douceur d’un Heartstopper. Le public mainstream pourrait être déstabilisé par la dimension queer très assumée.
Mais justement, c’est là que réside sa valeur unique : Boots ne cherche pas à plaire à tout le monde. Elle raconte une histoire importante, avec sincérité et complexité.

La fin de la série ouvre des portes : Cameron face à un choix décisif, Sullivan quittant l’armée, la guerre du Golfe qui approche… Personnellement, je serais très curieux de voir une saison 2. Voir Cameron évoluer en terrain actif, s’affirmer, faire face à l’extérieur… et surtout, savoir ce que devient Sullivan loin de l’uniforme.
Je me félicite d’avoir regardé Boots. J’ai vu ces jeunes devenir Marines, mais surtout devenir eux-mêmes, malgré un système qui leur demandait de se taire. Cameron m’a touché dans ses hésitations. Sullivan m’a bouleversé dans sa tragédie silencieuse.
Boots est une série à la fois dure et tendre, audacieuse et sincère. Elle ne plaira pas à tout le monde — et c’est précisément pour cela qu’elle compte.